jeudi 8 août 2013

Il m'appelle maman

Il y a trois questions qu'une mère se pose, lorsqu'elle sait qu'elle élèvera seule son garçon. Les gens toujours ils parlent de modèles vivants, desquels l'enfant s’imprègne pour devenir adulte. Mais quand, tu es femme, quand ton enfant est un petit homme. Il y a trois questions qu'une mère se pose.

Est-ce qu'il sera heureux? Je ne suis que la moitié d'un couple. Je fais de mon mieux. Je m'efforce de toute ma personne d'être bonne. Je fais les repas, je vais à l'épicerie avec lui. Je l'endors le soir. Je l'habille le matin. J'essaie de lui montrer le chemin. Le bien, le mal. Je veux qu'il soit gentil avec les amis. Qu'il appelle les femmes qu'il ne connait pas par Madame, les messieurs, Monsieur. Qu'il dise merci. Qu'il ne cherche pas la vengeance même si un autre enfant le frappe. Je veux qu'il soit heureux. Qu'il devienne quelqu'un de bien, qui se réalisera. Qui trouvera sa voie. C'est un enfant tellement intelligent. Je veux qu'il devienne grand.

Est-ce qu'il sera capable de faire des trucs d'homme? Par exemple, sortir les gros meubles, peindre une maison, réparer les petits soucis mécaniques d'une voiture. Par exemple, aimer une femme. Prendre soin de ses enfants. Leur donner à manger et de quoi sourire le soir. Leur donner exactement ce que j'ai été incapable de donner à mon fils, un père.

Est-ce que je serai toujours la première femme de sa vie? Parce qu'aujourd'hui, c'est exactement ce que je suis. Souvent ma  vie est tournée vers lui. Souvent mes plans, sont d'après lui. Et parfois, je lui en veux, d'être lui. Ce petit être qui est sorti de mon ventre, et qui aujourd'hui est l'essence de ma vie. Un jour certainement, il m'en voudra. Parce que les enfants sont comme ça. Ingrats. Je sais. J'ai une mère. Mais tout ce que je souhaite. C'est qu'il sache pour toujours, que l'impossible, je l'ai fait. Que la misère, je l'ai mangée. Que je l'aime plus que tout. Que ma vie, pour sauver la sienne, je la donnerais.

Puis finalement, il a 4 ans. Des questions trop grandes pour lui. Avant qu'il dorme, je l'embrasse. Je lui dit tout bas: Je t'aime. Il répond: je t'aime. Je lui dis: De tout mon coeur. Il répond: de tout mon coeur. Et je dis: c'est toi mon coeur. Et il répète: c'est toi mon coeur. Ça je sais, toute sa vie, il le saura.

lundi 5 août 2013

Mourir ce soir

On ne meurt qu'une fois. La fatalité comme ils disent. On s'efforce rarement de mourir. On recherche expressément ce qui nous garderait jeunes, beaux et en santé. Parce que de la mort, personne n'a d'assurance. Soit il y a la foi, soit il y a le néant. On croit en quelque chose de plus grand. Mais personne sait ce qu'il en est vraiment.

Ils disent, qu'on meurt un peu tous les jours. C'est une drôle de manière de décrire la vie, je trouve. Il y a ceux qui vivent sans remords, sans compter. Il y a ceux qui vivent doucement, un pas derrière l'autre. Il y a ceux qui font des enfants toute leur vie, puis ces autres qui aiment les petits de leurs amis.  On meurt tous un peu comme on a vécu. 

Elle avait 24 ans. C'était un accident. Je me souviens l'avoir croisée quelques fois. Parce qu'ici, dans mon village, on se croise tous quelques fois. Je savais son nom, puis son visage. Parce qu'ici dans mon village, c'était difficile de faire autrement. Elle vous disait bonjour, quand elle vous reconnaissait. Et elle n'était jamais seule quand on la voyait. Elle était aimée, parce qu'elle se souciait d'être aimable. Si la jeunesse de mon village a pleuré ce matin, c'est parce qu'on l'a mise en terre. Beaucoup trop tôt. Subitement. La mort est une fatalité. Et la peur de la mort est ce qu'il nous reste, après. 

Il y avait les obsèques diffusées à la radio. Parce que dans mon village, personne ne meurt sans hommage. Les femmes ont chanté. Sa tante lui a fait un discours. Son père a pleuré. Et dans ses mots, il a remercié les gens qui étaient venus, pour le réconfort, pour la peine, pour sa fille. L'église était bondée. Ses amis tous présents Parce que dans mon village, on vous tient la main quand votre famille s'éteint. 

On ne meurt qu'une fois. Mais ici, dans mon village, toujours les gens se souviennent de vous. Dans leur coeur, l'éternité existe. 

Iame Patricia.